Son histoire : Ne me blâmez pas d'avoir aimé qu’une seule personne dans ma vie. Mon tort est désormais d'être du mauvais monde. Peut être l’a-t-il toujours été d’ailleurs…
Qu'importe d'où nous venons, pays riche ou pays pauvre, qu'on ait bravé un désert ou qu'on se fasse servir du matin au soir, car à la rencontre de ses deux mondes, une souffrance leur est commune. Bizarrement, passer par les pires malheurs ou par les bonheurs les plus merveilleux ne nous protège pas du joug de l'amour, il nous fait souffrir. Un mal vulgaire, et nécessaire, qui nous assoiffe de déraison, qui emprisonne nos rêves. Un murmure dans un souffle, un vent violent puis le calme, excepté en nous même. On serait tenté de mettre un point final ici. Mais non, on sait que tout prend fin, que c'est cette fin qu'on attend en croyant être heureux. Quelle fracture ouverte que la fin d'un amour, d’un unique et véritable amour… Au lieu de se noyer dans nos propres larmes, tentons de refermer cette plaie et d’échapper à la souffrance. Moi, j’ai choisi la musique pour continuer à vivre.


Je suis Elena Kovalevska, et je suis tout droit venue de l’Islande, cette grande île surnommée « terre de glace ». Avec mes dix-neuf printemps, je n’ai plus de famille et mon unique raison de subsister n’est autre que la musique. Issue de la famille la plus riche d’Islande, j’ai vécu dans un manoir avec mes parents, peu présents, ma grand-mère, qui était tout simplement mon modèle, et tout le personnel chargé d’entretenir la maison. De nature inerte et détachée, je ne souffrais en aucun cas de l’absence de mes parents et je demeurai très passive lorsque j’appris que mes parents avaient péri dans un grave accident alors que je n’avais que sept ans. Certes, cela peut sembler indigne de ma part mais là seule chose dont j’ai pu hériter d’eux n’est que matériel, alors qu’un enfant a besoin de l’amour de ses parents pour apprendre à aimer. Moi, je les connaissais à peine et les vous-voyais. Comment être triste dans ce cas là ? La seule personne qui avait de l’importance à mes yeux, étaient ma grand-mère Anna qui s’était chargée de mon éducation et qui s’occupait de moi lorsque mes parents allaient durant de longs mois à l’étranger pour affaire.
Bercée par les mélodies des plus grands virtuoses tels Mozart, Beethoven, Bach ou encore Schumann, que me jouait ma grand-mère sur un merveilleux Schimmel, je restais de longues heures ébahie et admirative face ses talents et j’ai commencé à vénérer la musique dès ma plus tendre enfance. Dès l’âge de quatre ans, ma Anna m’installait sur le petit tabouret et posait mes doigts sur les touches blanches d’ivoire en chantant toutes les notes. C’est ainsi que j’appris à la fois le solfège et l’art de jouer au piano. Anna ne cessait de me rappeler à quel point elle me trouvait talentueuse. Passionnée et perfectionniste, je maîtrisais parfaitement les techniques les plus difficiles et j’arborais avec fierté mon diplôme de conservatoire alors que je n’avais que dix ans. Pour mes douze ans, je me vis offrir un violoncelle Stradivarius. Bref, on a bien compris que je ne suis pas là par hasard et que j’ai été admise pour mes qualités de musicienne.
Malheureusement, je n’ai pas pu partager la bonne nouvelle avec celle qui m’a menée sur le chemin de la musique. En effet, il y a trois ans, ma tendre Anna chargée d’années succomba à une maladie pulmonaire incurable. Ce terrible évènement me plongea dans une sombre tristesse. Depuis ce jour, j’essaie d’alléger ma souffrance en ingérant des cachets d’ecstasy. Et oui, depuis l’âge de seize ans, je me drogue.
En recevant une lettre cachetée à la cire bleue, je ne savais pas trop à quoi m’attendre et je fus finalement enchantée d’apprendre que je venais d’accéder à une prestigieuse académie d’arts : Celebritah. Ce nouveau départ m’apprendra-t-il à reprendre goût à la vie et à me détacher de ces « paradis artificiels » (Baudelaire) ?

Prudente et sceptique, je décidai de m’informer sur cette école qui m’ouvrait ses portes. Avant de m’aventurer à Helsinki, je découvris donc que Celebritah voilait un mystère dont personne n’avait véritablement trouvé la clé jusqu’à présent. Je venais d’apprendre que la fondatrice de l’académie, E. Worstshein, avait disparu. Plusieurs idées me vinrent à l’esprit. Puisque cette femme était à l’origine de cette illustre école et qu’elle excellait autrefois dans la danse, les motifs peuvent être divers : jalousie, envie, vengeance. Il se peut également que ça soit elle qui est pris la fuite sans prévenir. Bref, cette énigme un peu sombre ne m’effrayait pas plus que ça. Bien au contraire, il me tardait d’être sur le terrain pour essayer de lever tous les secrets de cette affaire.