Quoi, il neige ?!

1st ▬ · Date d'inscription : 24/06/2010

« Monsieur, il neige ! Arrêtez donc la voiture s'il vous plait ! »

[Eh bien jeune, tu n'as donc jamais vu de neige de ta vie !?]

« Si, mais tellement peu de fois ! Arrêtez-vous ici, je continuerai à pieds ! »

[Comme tu voudras, jeune. Tu as de quoi payer la course ?]

« Sans problème ! Merci beaucoup ! »

Le taxi s'arrête au bord de la route. Je demande au chauffeur par où je dois passer pour me rendre à l'Académie convoitée. Il m'explique vaguement que c'est « par là-bas » en tendant le bras vers l'horizon. Il ne sait pas exactement. Après tout, son boulot, c'est de suivre les panneaux pour mener les gens à destination. Alors je le comprends. Je le remercie une nouvelle fois et le regarde s'éloigner dans son taxi noir. Lorsqu'il est bien loin, je soupire, souris et lève les yeux au ciel. Ma valise est à mes pieds, elle m'attend. Je suis habillé d'un jean banal, une chemise blanche revêtue d'un gilet de costume à manches courtes, comme un serveur dans un bar, pour haut. Mes bottes noires remplies de fourrure me tiennent chaud aux pieds, et mon long manteau beige m'empêche d'avoir trop froid.
Mes cheveux volent au vent derrière moi. De la neige vient se poser sur mon visage, dans mes mains, sur mes vêtements. C'est froid. C'est une sensation agréable. L'air est glacé, il fouette mes joues et les fait rougir. Je respire. C'est bon la liberté.
Après quelques minutes d'admiration du ciel et de ses flocons blancs - plus blancs que blancs ! -, je me baisse pour attraper les poignées de mes valises. Elle ne sont pas bien lourde et ressemble plus à un cartable de l'ancien temps qu'à une valise. Dedans j'ai quelques affaires propres roulées en boule dans l'une, ma basse dans sa housse et mon casque ultra-moderne (qui capte la radio) pour écouter la musique et d'autres effets personnels dans la dernière valise. Autour de mon cou réside mon bien le plus cher : ma montre à gousset en argent. Elle a beaucoup de vécu, et même si je ne connais pas son histoire je la sens, l'histoire est à l'intérieur de l'objet. Ma montre est fêlée. Je ne veux pas la faire réparer, ce serait la corrompre par l'artifice du présent. Elle marche encore, ça me va ainsi.
Je me mets en marche, moi aussi. Je vais dans la direction que m'a indiquée le chauffeur de taxi en regardant tous les panneaux à côté desquels je passe. Je cherche une Académie... cette ville est vraiment grande, je ne sais pas où je vais ! Cela m'effraie, de ne pas savoir où je vais. J'espère que ma destination n'est pas trop loin... car dans ma tête c'est les 4 grands F : j'ai FROID, j'ai FAIM, j'ai la FLEMME, je suis FATIGUE. J'ai besoin de dormir, je viens de faire un vol qui a duré je ne sais combien de temps et environ une heure de taxi à cause des bouchons. Et me voilà dehors, seul.
Après quelques minutes à progresser sur le bitume, dans l'air glacé, à souffler de l'air chaud pour faire de la buée comme un gosse, à sautiller de temps à autres pour me réchauffer, j'arrive sur le trottoir d'un carrefour. Il y a trois directions si l'on exclut celle d'où je viens. Celle à ma gauche indique le centre-ville et les boutiques. Celle à ma droite pas mal d'autres trucs. Je dois prendre en face. Marcher droit devant moi. C'est ce que je sais faire de mieux. Je frictionne mes bras pour éviter d'avoir la chair de poule et me remets en route.
J'ai beaucoup marché, et j'y suis enfin. Les grandes portes du bâtiment sont devant moi. J'aspire un bon bol d'air glacial, gonfle les joues pour me donner un peu de courage et finis par actionner l'une des deux poignées s'offrant à mes fins doigts congelés. J'ai un peu de mal à pousser la porte de bois massif, mais lorsqu'elle est assez ouverte, je me glisse discrètement à l'intérieur et referme derrière moi. C'est vide. C'est le week-end après tout. Tout le monde doit être dehors en train de faire du shopping ou à marcher dans la neige. Depuis tout à l'heure, elle a eu le temps de s'installer au sol et de se transformer en un tapis de glace glissant sur la terre. Il y en a une bonne couche dehors, et sur mes cheveux et mes épaules aussi...

Je m'avance. Le son des talons de mes bottes claquées au sol retentit dans l'immense Hall d'entrée. C'est tellement calme que je peux entendre ma respiration, haletante pour avoir trop marché. Je suis de constitution faible, j'ai une santé plutôt fragile... et j'ai de l'asthme. Merci maman.
Je m'arrête en plein milieu. Je tiens les anses de mes valises fermement dans mes mains. Je suis seul ici. Comme souvent, d'ailleurs. Je pose ma valise à mes pieds. La fatigue et le froid ne me remontent pas vraiment le moral...

« J'ai vraiment la poisse. J'aurais préféré me retrouver noyé dans la foule, plutôt que d'être seul. J'veux mourir. »

Et finalement, le silence revient. Il est frappant. On n'entend plus que ma respiration saccadée. Je n'ose pas vraiment bouger. Je suis parfois tellement potiche que je pourrais me perdre même avec les indications des panneaux. Ce qui m'empêche de bouger, c'est le luxe du hall. Je n'aurais jamais cru, vu de dehors, que c'était aussi beau à l'intérieur !
Je me décide enfin à me remettre en marche. Plus vite j'aurais ma chambre mieux ce sera. Je pourrais peut-être enfin piquer un roupillon...